Principe de Subsidiarité

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Pilier 2 « Gouvernance intégrant les parties prenantes – Gouvernance partagée »

Mots clés : coopération, leader, confiance, délégation, subsidiarité, contrôle

Le principe de subsidiarité prévoit (dans le cadre de la vie des nations) que la responsabilité d’une action doit être confiée à la plus petite entité capable de résoudre la difficulté ou de prendre la décision par elle-même.

« C’est le souci de ne pas faire à un niveau plus élevé ce qui peut l’être avec plus d’efficacité à un échelon plus faible. »

La notion de subsidiarité vise à ne pas générer une trop grande bureaucratie et à rendre de l’autonomie aux groupes sociaux. Elle consiste à donner à chacun les pouvoirs correspondant à son domaine de responsabilité.

Positionner le pouvoir de décision au bon niveau

Dans le cadre des organisations, la subsidiarité permet de positionner le pouvoir de décision au plus près de l’action à mener, il permet la prise d’initiatives face à des circonstances imprévues ou imprévisibles, accélère la résolution des difficultés et les choix tactiques, développe l’autonomie des acteurs et leur créativité. Le principe de subsidiarité permet à chacun de régler ce qui se passe dans son activité à son niveau. Souvent, le développement de la subsidiarité répond aux attentes de nombreux salariés, plus formés et cherchant de l’autonomie, en leur donnant la responsabilité de leurs décisions, une capacité d’action face aux problèmes qu’ils rencontrent et des marges de manœuvre plus grandes.

Le mot est d’origine canonique, il trouve son origine dans la doctrine sociale de l’église ; c’est aussi un des mots d’ordre de l’union européenne depuis Maastricht et une certaine orientation de la France dans la décentralisation (pour la France jacobine et centralisatrice, ce n’est pas si simple). La subsidiarité est un principe central de l’entreprise libérée[ii], mis en évidence par Isaac Getz et Jean François Zobrist dans les conditions de réussite de l’entreprise libérée.

Dans une grande entreprise de produits de beauté et d’hygiène, les décisions concernant les packagings, les produits sont prises au niveau du siège international. Ce qui conduit quelquefois à des produits pas toujours adaptés à la culture locale, à la démotivation des commerciaux et des cellules marketing locales. Dans cette autre entreprise du même secteur, la décision est prise au niveau local, en respectant des principes universels permettant de définir le positionnement de la marque. Pleine motivation des équipes locales et pleine réussite.

Comprendre la subsidiarité

Trois principes d’action

L’institut Montalembert (un  « Think Tank » qui s’efforce de promouvoir la pensée humaniste de conviction chrétienne) définit clairement les principes d’action nécessaires au développement de la subsidiarité :
  • L’échelon supérieur s’interdit toute tâche que peut accomplir par lui-même l’échelon inférieur (principe de compétence).
  • L’échelon supérieur doit soutenir (si nécessaire) et peut aider (éventuellement) l’échelon inférieur (principe de secours).
  • L’échelon supérieur peut remplacer exceptionnellement et de manière limitée dans le temps l’échelon inférieur en cas de défaillance ou de grave insuffisance (principe de suppléance).

Traiter les problèmes au niveau adapté

Bertrand Duperrin qui reporte les propos de Michel Hervé [iv] propose que les problèmes soient traité au niveau le plus adéquat :
« Un problème individuel est donc traité individuellement, un problème local localement, un problème au niveau métier au niveau correspondant… et si tous les niveaux sont concernés il s’agit donc d’un problème stratégique qui remonte au plus haut. »
Chaque niveau reçoit ainsi le pouvoir d’agir pour atteindre la mission qui lui a été confiée.

Déléguer ce n’est pas travailler en subsidiarité

Ces deux mots relèvent d’aspects éthiques et pragmatiques différents et ne sont pas interchangeables.

La délégation est l’action qui vise à confier une mission managériale à un collaborateur en lui donnant le pouvoir décisionnel de la mener à bien, mais en continuant à en assurer la responsabilité, ce qui implique souvent le reporting et le contrôle de l’action réalisée. L’autonomie sera réelle, dans le cadre d’un contrat de délégation précis, qui indiquera les décisions que le collaborateur est autorisé à prendre, ce pour un temps donné. La délégation maintien souvent des pratiques et des logiques descendantes et c’est une de ses limites. La subsidiarité part du principe « que le collaborateur a a priori le pouvoir de décider de tout à l’exception de ce qui relève du niveau supérieur, son manager, que l’on précise. »[v] Dans ce cas, seules les décisions devant être prises par le manager seront précisées. La logique de reporting sera remplacée par une logique de soutien, le manager apportera  un environnement nourricier à ses collaborateurs, qui leur permettra d’agir, et l’aide nécessaire à leur demande. La subsidiarité nécessite la confiance, elle modifie fortement les principes de délégation appliqués dans les organisations.

La subsidiarité nécessite une modification de la posture managériale

Comme tous les principes de management qui visent à l’autonomie des personnes (confiance, subsidiarité, motivation intrinsèque, empowerment…), des modifications de posture du manager sont nécessaires : il s’agit pour le manager de développer des pratiques de soutien plutôt que de résolution de problème ou de commandement. Les pratiques de soutiens passent par :
  • le questionnement de l’équipe : comment puis-je vous aider ?, quelles sont les prises de décision difficiles ?, quels problèmes sont à traiter ? comment puis-je vous aider à améliorer l’atteinte de vos objectifs ?
  • la facilitation de la prise de décision : développement de techniques d’animation qui permettent la prise de décision collective.
Mais pour qu’il puisse modifier ses pratiques, il est nécessaire que la pression qui pèse sur le manager lui-même soit diminuée, pour qu’il puisse se consacrer au besoin de soutien des équipes. Le principe de subsidiarité ne peut pas concerner que le niveau des opérateurs, il va remonter (ou descendre plutôt) toute la ligne hiérarchique.

La subsidiarité est possible quelque soit la taille de l’entreprise

Plusieurs entreprises de toute taille ont placé le principe de subsidiarité en tête de leurs orientations managériales.

Le principe de subsidiarité a été adopté par les grandes entreprises pour répondre à une double exigence d’unité et de prise en compte de la diversité des fonctionnements, des attentes clients, des modes de prises de décision, des cultures locales dans les différents pays dans lesquelles elles sont implantées. Un objectif : être le plus proche possible du client. Ce principe a conduit à décentraliser les responsabilités opérationnelles, à mettre en place les processus permettant de faire circuler les compétences. Un objectif secondaire est de simplifier les grands systèmes qui génèrent une grande bureaucratie, en unités à taille humaine, dans laquelle la décision, l’information, les systèmes de contrôle et de régulation sont plus simples et efficients.

La revue numérique Sense Making présente ainsi l’expérience d’Ineo GD-Suez :
Ce groupe spécialisé dans le génie électrique, les systèmes d’information et de communication ainsi que dans les services associés, est l’une des rares entreprises à avoir fait du principe de subsidiarité son idée-force managériale. (…) Ineo GDF-Suez a mis en place une organisation polymorphe avec de multiples entités et centres de profit. 2500 responsables d’affaires pilotent, de manière autonome, 45 000 projets par an. Les ingénieurs sont au contact direct des clients, reçoivent leurs demandes et pilotent leurs réalisations. Quant à l’unité, elle est maintenue, chez Ineo GDF-Suez par un système de valeurs : respect, exigence, solidarité, enthousiasme et quête de complémentarité.
Pour les entreprises industrielles, le principe des équipes autonomes est connu et appliqué depuis des décennies, parmi les récents cas de conversion, Michelin (8) développe une série d’action dans ce sens.

Pour les hôpitaux la mise en oeuvre de ce principe est très complexe en France, même si de nombreux pays étrangers ont déjà développé la prise de décision collaborative et décentrée dans leurs organisations. Les principaux obstacles en sont : l’importance des conflits entre médecins et direction, l’importance des conflits et les visions non partagées entre direction et organisations syndicales, l’influence du pouvoir des maires, la réglementation en perpétuelle modification, la pression de l’état…

La subsidiarité est également possible dans les entreprises de plus petite taille, un artisan peut ainsi laisser une grande liberté à ses équipes pour résoudre les difficultés qui se posent chez un client, identifier de nouveaux besoins…

Quelques clés pour le développement de la subsidiarité

Comme tout changement de culture managériale, il doit être porté par le dirigeant et son équipe. Lors du développement de ce principe, la remise en cause d’habitudes et de croyances sur l’efficacité managériale est importante. Dans une organisation le chemin nécessite le partage d’une croyance positive que « l’homme (est) capable de reconnaitre et promouvoir son propre bien en pleine cohésion avec le bien commun. » (7)

La subsidiarité est un des principes managérial qui contribue à l’autonomie des salariés. Les instances de direction de l’organisation auront donc à se poser la question des changements qu’impliquera l’application de ce principe d’autonomie dans l’ensemble des pratiques de management !

Les apprentissages organisationnels

  • Clarifier les règles éthiques de prise de décision (intérêt général, recherche d’avis si la décision est complexe, respect des missions des autres, transparence sur les erreurs…), sans règles éthiques claires, la subsidiarité consiste simplement à simplifier les modalités d’un fonctionnement égo-centré déplacé des élites vers la base.
  • Clarifier la vision pour permettre une focalisation sur l’intérêt de la personne morale.
  • Clarifier les attendus des postes et des équipes de travail (à partir d’un partage de représentations entre managers et membres des équipes) : mission, objectifs, résultats du processus, cahier des charges des produits.
  • Apprendre à formaliser les décisions qui doivent être prise par le niveau hiérarchique supérieur (pour raison d’enjeux, de risque).
  • Créer des équipes autonomes partout ou cela est possible.
  • Identifier tous les contrôles inutiles et couteux.
  • Redonner le pouvoir d’agir à chaque groupe de salariés, faire un point régulier sur le besoin de soutien, en vérifiant avec les équipes qu’ils ont bien les moyens d’agir.
  • Développer le droit à l’erreur, qui va permettre l’initiative et la prise de responsabilités.
  • Prendre le temps de l’évaluation.

Les apprentissages du manager

Le développement personnel et professionnel du manager est nécessaire pour permettre le développement de la subsidiarité dans l’organisation :
  • Apprendre à laisser les autres décider, sans contrôle, apprendre à faire confiance[vi], à ne pas être au courant de tout.
  • Identifier mes limites et pratiques dans la gestion du pouvoir et de l’autorité.
  • Apprendre à abandonner mon rôle d’expert pour entrer dans un rôle de soutien, de formateur lorsque cela est nécessaire.
  • Apprendre à faciliter (la prise de décision, le choix de méthodes de travail, la résolution des problèmes).
  • Apprendre à soutenir plutôt qu’à vouloir aider ou faire à la place.

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